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II.1 Une société divisée entre pro et anti-mafia

             Dans un second temps, l'impact de la mafia se fait ressentir dans la société. Il se retrouve d'une part dans les dissocions d'une société, divisée entre les pro et les anti-mafia. Ces deux camps aux idéologies radicalement opposées s'affrontent à la fois dans la réalité et sur Internet. Du fanatisme aveugle en la mafia à la lutte inconditionnelle contre celle-ci, de victime de la mafia à bourreau de celle-ci, les populations du sud de l'Italie diffèrent fortement au sujet du phénomène mafieux qui sévit dans leurs régions.

 

    Les pros-mafia correspondent aux individus qui jouissent de l'argent et de la protection de la mafia. Des classes les plus pauvres aux plus riches, des enfants aux plus puissants hommes politiques, la mafia est pour beaucoup considérée comme positive. Quand l'Etat délaisse un territoire, le système mafieux se met en place et s'impose comme anti-état. Les individus sous son joug la considèrent ainsi comme un d'ascenseur social dans un milieu où règne la pauvreté et qui permet de gagner de l'argent rapidement, tout en respectant un code moral qui justifie les exactions effectuées. Ce sont souvent les générations les plus jeunes qui se positionnent fortement en faveur de la mafia. La littérature et le cinéma y joue un rôle important (voir III.1 La mafia dans le cinéma). Ces adolescent idolâtrent des Tony Montana, Vito Corleone, Lucky Luciano ou encore Al Capone. Ces personnages réels ou inspirés de personnages réels, sont issus de la mythification cinématographique de la mafia aux Etats-Unis. S'imposant comme un monde défiant l'autorité de l'Etat, la jeune génération rebelle s'identifie rapidement à la mafia et tombe elle aussi facilement dans le crime. Le film Gomorra  de Matteo Garrone montre bien cette fascination que les jeunes ont pour la mafia à travers le personnage de Toto qui cherche à tout prix à grandir pour faire ses preuves auprès des adultes de la Camorra. Son personnage dit dans la série : " Tous ceux que je connais sont soit mort, soit en prison. Moi je veux devenir un parrain, je veux avoir des centres commerciaux, des boutiques et des usines, je veux avoir des femmes. Je veux trois voitures. Je veux que les gens me respectent quand je rentre quelque part, je veux des magasins dans le monde entier. Et puis je veux mourir. Mais comme meurent les vrais. Ceux qui commandent pour de bon. Je veux mourir assassiné." Ce passage illustre bien cette maladie qui est encrée dans la société italienne et qui touche plus facilement, comme tout virus, les plus jeunes.

Ce phénomène d'adoration de la mafia se retrouve sur Internet. En effet, début 2009, se sont créés des groupes faisant l'apologie de la mafia sur Facebook. Aujourd'hui encore, des groupes comme "Libérez Toto Riina" ou "Fans de Toto Riina, un homme incompris" existent et possèdent de nombreux adhérents. Le groupe "Il Capo dei Capi Toto Riina" compte aujourd'hui 19 200 j'aimes. Ces groupes créés dans le but de montrer leur soutien à Toto Riina, ancien chef de la Cosa Nostra en Sicile, arrêté en 1993 et condamné à 4 sentences de prison à vie, témoignent de la ferveur populaire pour ces parrains de la mafia. On retrouve dans le même temps des musiques sur le site internet Youtube faisant elles aussi l'apologie de la mafia et d'une société "d'honneur". "La Musica Della Mafia - Era na Sera i Maggiu", chantée en dialecte sicilien comptabilise presque 600 000 vues, tandis que "La Musica Della Mafia - San Luca & Corigliano" chantée en dialecte calabrais fait l'éloge de la 'Ndrangheta et comptabilise presque 1 400 000 vues (cf capture d'écran des statistiques de la musique de la mafia calabraise). On y lit en "top" commentaires : "Un giorno anch'io sarò un uomo d'onore! Viva l'Onorata Società ?" (Un jour moi aussi je serai un homme d'honneur ! Vive la société d'honneur!)

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    Les anti-mafia correspondent eux aux individus qui essayent de lutter contre la mafia. Ces derniers, en refusant de payer le pizzo ou en brisant l'omertà (la loi du silence), risquent leur vie en refusant de se soumettre à leur joug. Insoumis, courageux, ou proches de victimes de la mafia, ces personnes tentent de changer la donne dans l'Italie du Sud par le seul moyen possible, le soulèvement du peuple contre la mafia. Plusieurs figures emblématiques représentent la lutte contre la mafia. Ainsi à la fin du XIXe siècle, le marquis Emanuele Notarbartolo di San Giovanni, alors maire de Palerme, est le premier membre de l'élite italienne à s'opposer à la mafia et à lutter contre. Il est assassiné en 1893. Il est considéré comme le premier "cadavre excellent", c'est-à-dire, la première personnalité assassinée par la mafia. Récemment, l'écrivain Roberto Saviano de 28 ans, auteur du roman dénonciateur Gomorra, est menacé de mort par la Camorra et vit sous protection policière permanente depuis 2006 (voir III.2 La mafia dans la littérature). Son livre rétablit la vérité sur la mafia dans la littérature et remporte un fort succès dans le monde. Cette mauvaise publicité déplaît à la mafia qui a poussé Saviano à déménager d'abord de Caserta puis de Rome pour finalement vivre caché afin de ne pas allonger encore plus la liste des "cadavres excellents".

Aujourd'hui à Palerme, ville du nord de la Sicile où le taux d'extorsion est parmi les plus élevés d'Italie, la lutte contre le racket s'intensifie. En 2004, sept jeunes de Palerme fondent l'association Addiopizzo (adieu l'extorsion) en accrochant sur les murs de la ville des affiches, sous la forme d'un avis de décès, où était inscrit : "Un peuple qui se soumet à l'extorsion est un peuple sans dignité" (cf affiche récente de Addiopizzo : libération en cours, nous continuons de dénoncer l'extorsion). A ce jour (26/02/17), 1026 commerçants et entrepreneurs ont publiquement déclaré refuser se soumettre à l'extorsion. 13 032 consommateurs ont quant à eux déclaré privilégier leurs produits ou services pour apporter leur soutien à ces commerçants. 184 écoles participent aussi à un programme de sensibilisation à la lutte anti-racket dans la région de Palerme. En 2008, l'association a même ouvert une boutique pizzo-free dans le centre historique de Palerme. On y retrouve des produits de commerces qui résistent au racket ou de coopératives constituées à partir des terres confisquées à la mafia. Ces exemples nous prouvent que certains individus luttent contre la mafia et refusent de se soumettre à leur joug.

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            La société est donc divisée entre deux camps qui s'opposent au sujet de la toute puissante mafia. Les anti-mafia se multiplient mais restent une partie minoritaire de la population, tout comme celle qui s'affirme pro-mafia. Le reste de la population préférant rester silencieux, et ne pas prendre parti officiellement. Même ne pas prendre de parti, c'est prendre un parti tout de même, en respectant l'omertà et en se soumettant à la mafia. Les pro-mafia sont pourtant plus présent qu'on ne l'imagine, en particulier dans la jeune génération comme le témoigne le soutien que possède la mafia sur Internet. Le pouvoir de la mafia se trouve donc aussi dans la ferveur qu'elle arrive à susciter au sein de la société. Une mafia sans le soutien partiel du peuple, ne peut subsister.