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I.1 Le blanchiment d’argent sale

            Dans un premier temps, l’impact de la mafia se fait ressentir sur l’économie. Il se retrouve d’une part à travers le blanchiment d’argent sale. Le blanchiment d’argent est une technique de criminalité financière qui consiste à cacher la provenance de la monnaie acquise illicitement et à la légaliser via une série d'opérations successives afin de pouvoir la réutiliser de manière libre dans l’économie. Cet argent est considéré comme illégal car il provient d’activités prohibées par la loi : trafic de drogue, d’armes, extorsion, fraude fiscale, corruption et autres activités mafieuses.

 

    Ce blanchiment d'argent est crucial et pratiqué massivement par les mafias, en effet ce sont des sommes très importantes qui sont manipulées, et qui éveilleraient facilement les soupçons des autorités fiscales s'il n'était pas blanchi; il a besoin d'être "crédibilisé" dans le monde du légal.

Le blanchiment des capitaux issus des activités criminelles prend des formes variées, de l’achat de biens aux placements financiers en passant par l’ouverture de commerces. L'organisme intergouvernemental du Groupe d'Action Financière (GAFI) définit l'opération de blanchiment en trois étapes :

- La phase de placement : à travers des dépôts dans des banques (aussi appelé smurfing), en particulier dans les paradis fiscaux, et l'achat de biens de consommation ou de biens immobiliers, l'objectif sera de "dématérialiser" la monnaie liquide engrangée par les activités illicites.  A noter qu'en France une enquête fiscale est lancée pour étudier l'origine des liquidités à partir de 7600€ de déclaration.

- La phase d'empilage: à travers une multiplication des opérations financières, l'objectif sera de faire disparaître petit à petit l'origine illicite des fonds et l'identité du propriétaire. Une fois pénétré dans le système financier international, l'argent sale va se déplacer vers des banques de plus en plus respectables (cf. schéma du blanchiment des cocadollars issus de la production de cocaïne en Colombie).

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- La phase d'intégration : à travers l'achat de biens de consommation, d'investissements financiers ou d'achats de capitaux d'entreprises, l'argent désormais lavé sera investi dans l'économie légale. (voir I.2 La pénétration de la mafia dans l'économie légale)

   Cependant, comme précisé précédemment les dépôts effectuables dans les banques sont limités sous risque de voir une enquête fiscale être lancée afin de trouver l'origine des fonds (généralement moins de 10 000 unités de la devise du pays). Ici entrent en jeu les paradis fiscaux : Etats ou territoires dépendants d'un Etat, dans lesquels les autorités publiques exercent une régulation limitée sur les activités bancaires et financières. L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) utilise quatre critères pour définir un paradis fiscal :

- un régime fiscal avantageux pour les non-résidents (impôts sur les revenus, fortune et bénéfice faibles voire inexistants)

- un secret bancaire fortement développé (identité des détenteurs de comptes quasi-introuvable, de lourdes sanctions sont généralement appliquées par les paradis fiscaux lorsqu'un employé de banque trahit le secret bancaire)

- des procédures d'enregistrement peu contraignantes (la procédure d'enregistrement d'une société est généralement très simple et très efficace)

- une coopération fiscale et judiciaire limitée avec les autres Etats (en France, le blanchiment d'argent est défini comme de la criminalité financière tandis que dans les paradis fiscaux, la législation ne se prononce généralement pas à ce sujet)

Parmi les firmes transnationales et les grands groupes bancaires se glissent donc les organisations criminelles qui utilisent ces paradis fiscaux pour recycler les bénéfices de leurs trafics. En 2000 on dénombrait 16 paradis fiscaux dans les Caraïbes et 15 en Europe. Depuis, les chiffres sont régulièrement modifiés lors de sommets du G20 et aucune liste officielle n'est établie. On peut cependant en retenir certains moins connus comme l'Uruguay, les Philippines, l'île Maurice, le Liban, Malte, Dublin ou encore Gibraltar ou les Bermudes.

"Les paradis fiscaux se développent dans les interstices des règles définies par les grands Etats." (Christian Chavagneux et Ronen Palan, économistes, L'Economie Politique, n°4, 1999)

Selon le rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le blanchiment d’argent est estimé à 1600 milliards de dollars dans le monde en 2009, ce qui équivaut à 2,9% du PIB mondial.

 

            Le blanchiment d'argent est donc une pratique répandue massivement dans le milieu de la mafia, découpé en plusieurs étapes et transitant par des paradis fiscaux, il permet à l'argent sale de se mélanger à des capitaux propres pour finir, à la fin d'un long processus, "lavé" de son passé illicite. Cet aspect de l'activité mafieuse nous rappelle qu'il n'y a pas qu'une économie légale et une autre illégale. Cette vision manichéenne nous opacifie la vérité : il n'y a qu'une seule économie qui lie intimement et de manière solidaire le légal et l’illégal.

L’étape du blanchiment d’argent est cruciale pour les entreprises mafieuses car sans elle, elles seraient dans l’impossibilité de réinvestir leurs revenus illégaux dans l’économie légale.

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